En quête perpétuelle d’autorité, de puissance et de nouveaux territoires, l’Homme, insatiable, désire toujours plus encore et, devenu irascible, se transforme à l’occasion en monstre pour parvenir à ses fins. Ainsi, l’Homme se comporte parfois en chien… A ces hordes indomptables s’opposent quelques esprits éclairés capables de par leur sérénité rassurante de nous ramener sur les chemins de la raison. Mais dans un Monde devenu soudain hostile et barbare, les Sages sauront-ils encore nous préserver d’un destin trouble, chaotique et incertain ?
Au travers de la série « La ronde des chiens fous », SylC tente de mettre en scène la dualité de l’homme qui oppose sa conscience à ses propres démons. De ce combat ubuesque naissent tous les paradoxes de notre ère, mais aussi ceux de l’histoire de l’Humanité… Tel un éternel recommencement… Telle une ronde où les prédateurs, dans une sorte de voyage immobile, se retrouvent au terme de chaque tour exactement à leur point de départ ; avant d’effectuer de nouveau, dans un semblant de rituel, un autre tour…
Cernés au centre de cette ronde se dressent des Sages, tels des astres immobiles, impassibles et sourds aux grondements de ces chiens, satellites en guerre qui s’agitent autour d’eux… Leurs traits sont lisses, leurs souffles paisibles, leurs visages insouciants… En quête d’horizons nouveaux et de nouvelles valeurs, ils restent hermétiques au spectacle et au vacarme de ces scènes de fureur et de fracas, comme en témoigne la posture relâchée de leurs corps et de leurs mains, ne laissant aucun doute sur leur entière et imperturbable plénitude…
Porteurs de rage, les Hommes, devenus chiens, sombrent dans une folie étourdissante. Dessins délicats de dentelle, leurs dents deviennent soudain acérées et menaçantes, dans un bruit strident qui résonne et grince telle la craie sur le tableau noir ; la dentelle n’est désormais plus fragile, elle est devenue tranchante comme la lame du couteau…
Alors, folie des chiens ou rage des Hommes ? Génitrice de mondes peuplés d’animaux étranges et de chimères, SylC a choisi cette fois le chien comme allégorie du comportement humain. Pour mieux l’étayer, elle joue avec nos perceptions des harmonies et des contrastes, et nous déséquilibre d’un savant amalgame de sourdes tonalités crues et de lumineuses couleurs acidulées… Ce qui nous renvoie, pauvres hères que nous sommes, à des sentiments confus où se mêlent violente sérénité et douce cruauté…
Ainsi, deux ans après sa sérié intitulée « Mothers », l’artiste continue à nous questionner sur la complexité et l’ambiguïté de la nature humaine. Fruit d’un travail étalé sur deux années pleines, « La ronde des chiens fous », conserve pour constante cet éternel dualisme. Aussi, lorsqu’il s’apparente à un chef de meute, l’Homme en pleine démence se mue en bête, animal à l’instinct primitif revenu à l’état sauvage qui, l’espace d’une seconde, peut se retourner sur son Maître dans une pulsion irréversible…
C’est cette seconde que SylC cherche à capturer, celle où tout peut arriver. Dans une métaphore évidente de ce Monde qui nous entoure, l’artiste laisse la porte ouverte au regardeur qui laissera son instinct et son flair le guider pour mieux inventer la seconde qui suit… Car le peintre ne nous aidera pas dans nos intuitions prémonitoires ; elle nous laisse là, seuls face au champ des possibles, aux portes de cet instant suspendu, où tout semble figé, où tout semble éternité…
Un catalogue intitulé « La ronde des chiens fous » a été spécialement édité (tirage : 1 000 exemplaires) à l’occasion de l’exposition éponyme se tenant au Château d’Eau du 20 mars au 3 mai 2015.