“Free as a bird” proclamait déjà John Lennon en 1977… Dans un XXIème siècle pourtant bien entamé, le chemin semble encore long avant que l’Homme accède enfin à ce désir. Pour y parvenir, il devra s’interroger au plus profond de lui et devra trancher entre recherche d’hégémonie suprême ou quête de liberté spirituelle. Le choix sera manichéen, mais de celui-ci découlera la suite de la condition humaine…

Au travers de sa dernière série de peintures et de dessins intitulée “Human Birds”, SylC nous emmène au coeur de ce dilemme et tisse les liens indéfectibles existants entre notre philosophie existentielle et notre destinée. Probable génitrice fortuite de cette série, l’oeuvre “Songe nocturne”, réalisée par l’artiste en 2012 et qui fera la couverture du magazine français d’art contemporain Artension deux ans plus tard, représentait déjà un oiseau à tête humaine tournée vers l’infini des cieux et annonçait certainement les prémices du propos de leur auteur.

La série prend corps dans un premier temps au travers de nombreux dessins, où la palette volontairement restreinte ne laisse de place qu’au rouge, au noir et à un vert translucide qui tranchent ostensiblement avec la blancheur immaculée du papier. Des dentelles fines s’imbriquent dans les organismes de l’oiseau et de l’Homme, parfois même jusque dans leur plumage ou leur chevelure, ce qui donne cette étrange sensation que leurs corps ne font qu’un et révèle toute l’intensité fusionnelle de leur dépendance l’un à l’autre.

Ces travaux inspireront deux ans plus tard un ensemble de peintures matérialisant aussi bien des oiseaux à têtes humaines et à pattes d’hommes que des hommes aux visages recouverts de duvet et de plumes. Sorte de costumes de circonstance, des ailes de dentelle entourent des personnages disproportionnés aux traits graves et expressifs. Ils sont les acteurs de ces scènes surréalistes où une branche sur laquelle vient se poser un oiseau se transforme en bras, où des bras se transforment en branches, où nos sens vacillent… Dans cet univers rayonnant baigné de nuances roses, grises ou blanches, où chaque œuvre se contente de livrer une histoire à la fois, émergent des personnages au teint laiteux, à la carnation lunaire… Chacun semble remplir un rôle connu de tous depuis la nuit des temps : ici, un guetteur sur un rameau ; là, un être protecteur ; plus loin, un personnage scrute le ciel ; à ses côtés, un autre pousse un cri… L’artiste nous montre l’Homme partagé entre son besoin d’assouvissement égocentrique et son irrésistible désir de liberté. L’oiseau, dans lequel subsistent toutes les espérances, lutte pour s’émanciper de l’Homme…

Suite logique mais inavouée de sa série “La ronde des chiens fous”, SylC continue à nous questionner sur l’essence même de l’existence. Elle met savamment en scène le champs de bataille de nos actes dans ce combat imaginaire, situé au plus profond de notre conscience et de notre perception… Elle insiste sur la symbolique de l’oiseau, unique et indispensable lien entre la terre et le ciel, entre les mondes matériels et spirituels… Comme dans un rêve éthéré, elle nous emmène, sans même nous demander notre consentement, dans son univers chimérique faussement naïf, doux et acidulé à la fois…

Initiée en 2013 et achevée en 2016, la série “Human Birds” ne serait-elle pas au fond une métaphore de l’Homme, prisonnier d’un système qu’il a lui-même créé, où sa cupidité, son arrogance et sa vanité rendent utopique et vain tout espoir de liberté accrue ? A l’heure des choix, il reviendra à chacun de questionner son âme. Mais si nous voulons voler un jour, nous devrons abandonner sur les rives terrestres notre appétence de pouvoirs et autres petits privilèges, pour dégager les ailes de l’oiseau devenu libre et prendre, enfin, un peu de hauteur…